P. 217. Avant l'affaire Defonseca, le faussaire Marco.
fut élu président de l'Amicale des Espagnols de Mauthausen...
Les tentatives d'usurpation ne sont pas nouvelles.
Enric Marco (TVE)
Il s'appelle Enric Marco. Espagnol antifranquiste et qui plus est, anarcho-syndicaliste. Président pendant 20 ans de la Fédération des parents de Catalogne. Syndicaliste CNT dont il assura le secrétariat général en 1978-1979. Titulaire de la plus haute décoration civile espagnole : la Croix de Saint-Jordi.
Le 29 janvier 2005, Enric Marco eut l'honneur de prononcer devant les Cortès (Parlement) le premier discours rendant hommage aux Républicains espagnols déportés dans les camps nazis. L'orateur s'exprimait en tant qu'ancien matricule 6448 à Flossenburg, élu président de l'Amicale de Mauthausen.
Le Journal du Dimanche :
- "Pour la première fois, le Congrès des députés espagnols - l'équivalent de l'Assemblée nationale - rend hommage aux 10.000 républicains déportés dans les camps nazis. Ce jour-là, lui seul est invité à raconter cette histoire que l'Espagne a trop longtemps voulu oublier.
A la tribune, stoïque face aux parlementaires, aux ministres et à l'ambassadeur d'Israël, il raconte : " Quand nous arrivions dans les camps de concentration, dans ces trains infects pour bétail, ils nous dénudaient, leurs chiens nous mordaient..."
Au fil des mots, l'homme, 84 ans, la voix énergique, captive. Il y met la forme, le ton. La vice-présidente du Congrès ne retient pas ses larmes. Le moment est historique." (22 juin 2005)
Enric Marco ignorait alors que ce discours allait devenir comme son chant du cygne.
Historien, Benito Bermajo, va en effet dégonfler cette baudruche. Après recherches et étude des archives du Ministère des Affaires étrangères, il apparaît en effet qu'Enrique Marco était bien en Allemagne pendant la guerre. Mais nullement à Flossenbürg et comme déporté politique. Plus exactement comme volontaire civil à partir de 1941 et dans une usine de montage de Kiel...
Le Journal du Dimanche :
- "Bermejo a raconté que ses doutes étaient nés lors d'une première rencontre avec Enric Marco à Mauthausen, en mai 2003.
Le témoignage du supposé survivant était à la fois fascinant et imprécis. A côté de différents exploits soi-disant réalisés durant la guerre civile espagnole, Marco prétendait avoir été arrêté par la gestapo à Marseille en 1941, à une époque où les troupes allemandes n'avaient pas atteint le sud de la France ! L'historien décida d'approfondir la question.
A l'automne 2004, il avait vérifié que le nom de Enric Marco ne figurait pas dans les archives du Mémorial de Flossenbürg.
Jugeant cet indice insuffisant, Bermejo cherchait encore une preuve irréfutable de l'imposture. Il allait la trouver en février dernier dans les archives du Ministère espagnol des affaires étrangères. Là, des documents datant de 1943 établissaient que "Enrique Marco Batlle prête ses services comme producteur contracté par l'entreprise Deutsche Wreck [pour Werk] A. G. de Kiel (Allemagne)..." (22 juin 005)
Difficilement croyable mais vrai et de plus corroboré par les aveux du faussaire.
Libération :
- "Pendant un quart de siècle, Enric Marco a porté la parole des anciens déportés espagnols. Jusqu'à ce que l'imposture éclate au grand jour : il n'a jamais connu les camps nazis.
Un scandale qui secoue un pays où la mémoire de la Seconde Guerre mondiale est largement occultée." (17 juin 2005)
Imagine-t-on les conséquences catastrophiques provoquées par cette escroquerie cynique ?
Quel gâchis !!! Pour les Républicains si longtemps poursuivis et victimes du régime franquiste. Pour une mémoire qui était reconstruite péniblement après l'agonie prolongée du dictateur. Mais aussi pour le Premier ministre Zapatero qui tournait le dos au passé en se rendant à Mauthausen, camp où les Républicains se distinguèrent par leur volonté collective de faire front au nazisme et de ne pas plier. Et, en tant qu'invité et référence incontournable, Enric Marco accompagnant le Premier ministre...
Les Espagnols connaissent aussi leurs négateurs. Et les Franquistes manifestent plus que des nostalgies. Comment mesurer la nuisance de l'imposture d'Enric Marco dans ce contexte ??? Les suspicions et les rumeurs répandues. Les douleurs et les fureurs réveillées...
Le choix de Flossenbürg par ce faussaire peut s'expliquer par le nombre très réduit d'Espagnols qui y furent déportés. Ce camp avait été ouvert en 1938 déjà. Il fut libéré le 23 avril 1945 mais la très grande majorité de ses prisonniers subirent les marches de la mort en application de la volonté nazie de les soustraire à l'avance des troupes américaines.
Les barbelés de Flossenbürg encerclèrent 111.000 déportés dont 16.000 femmes. A la fin de la Seconde guerre mondiale, ce camp de concentration avait mérité, du moins aux yeux des nazis, sa réputation de "sévérité". Il fut la tombe collective de 73.000 victimes.