P. 166. Une expulsion suspendue au tout dernier moment...
Enfin un peu d'humanité envers Angelica et sa mère... sauvées provisoirement grâce ou plus exactement à cause de brutalités policières ?
Aucune critique n'est encore parvenue dans les commentaires. La présence sur ce blog avant tout historique et consacré à quelques pans de la Shoah en Belgique et France, d'une actualité immédiate et hors sujet, n'est effectivement pas neutre. Mais sans participer à une dictature de l'émotionnel ni sans négliger la nécessité de veiller aux sources et de recouper les documents accessibles, voici la suite de la page 165. Celle-ci a été écrite quasi en temps réel. Le 30 juillet au matin, le sort d'Angelica et de sa mère semblait sans autre issuer que l'expulsion. Et puis tout a basculé dans l'après-midi car la Belgique a une Justice.
Grégoire Comhaire :
- "Tout avait pourtant commencé normalement, selon la procédure habituelle. A sept heures hier matin, une fourgonnette de la police fédérale se présentait au centre 127bis de Steenokerzeel pour emmener Ana et Angelica vers Zaventem d'où elles devaient partir en fin de journée vers Amsterdam puis Quito par un vol KLM. Normalement, si ce n'était la brutalité dont les policiers feront preuve à leur égard. Ont-ils été effrayés à l'idée que l'énorme élan de solidarité exprimé à la petite ces derniers jours ne donne à sa mère Ana, l'idée de refuser de monter dans l'avion comme l'y autorise la procédure à ce stade puisqu'il s'agit d'une première tentative d'expulsion, avec la conséquence immédiate de prolonger leur détention en centre fermé et son pénible corollaire médiatique ? Ou ont-ils simplement voulu faire payer à Angelica, comme lui confiera un policier un peu plus tard, l'écho donné à cette affaire dans les médias. Eux seuls le savent. Toujours est-il que brutalement poussée et jetée au fond du fourgon, la petite Angelica, déjà largement affectée par son mois de détention au centre fermé 127bis observera, impuissante et terrorisée, sa mère menottée jusqu'au sang, projetée dans le véhicule et maintenue au sol par le genou du policier qui fait pression sur elle. "Si vous vous rebellez, c'est tout le voyage jusque Quito qui se passera comme ça" leur promet-on." ("La Libre Belgique", 31 juillet) "Le Soir" en ligne :
- "Selon leurs avocats, M es Benkhelifa et Hinkebrant, leur transfert a été contraint. « Ana Elisabeth était menottée. Un agent lui a appliqué un genou sur le thorax. Elle était couchée sur le plancher de la camionnette. » Ana Elisabeth Cajamarca a confirmé cette version des faits à son compagnon Leon Ruis Gonzales lors d'un entretien téléphonique. « Elle m'a dit qu'elle avait les mains en sang à cause des menottes. Qu'elle avait des écorchures aux genoux et aux bras. On a essayé de leur donner des calmants. » Forts de cette situation dramatique, les avocats des deux expulsées ont adressé dans l'après-midi une requête en extrême urgence auprès du tribunal de première instance de Bruxelles, auquel fut transmis par fax un certificat médical détaillant les lésions subies par la maman et sa fillette : des douleurs au dos pour Angelica, les griffures et écorchures causées à Ana par les menottes, une situation de stress intense pour toutes les deux. La famille et les amis des deux expulsées, ainsi que des associations comme l'UDEP (l'Union de défense de sans-papiers), s'étaient réunis dès le matin dans le hall de départ de l'aéroport de Bruxelles-National pour manifester et tenter de sensibiliser les voyageurs au départ du vol Amsterdam-Quito de 18h50. A 16h45, on apprenait que l'Office des étrangers avait décidé de procéder à l'extraction d'Angelica et de sa maman par voiture vers Schiphol. Selon Dominique Ernould, la porte-parole de l'Office des étrangers, toutes deux étaient rentrées dans le minibus sans opposer de résistance et sous le regard du consul d'Equateur. Quatre policiers, dont un officier-psychologue, étaient commis à leur surveillance. Cette opération était encadrée par deux agents du Comité P, la police des polices, chargée de contrôler la régularité de la procédure. Et 25 minutes plus tard, le téléphone de l'avocate d'Ana et Angelica sonnait : le greffe du tribunal annonçait la libération des deux expulsées. Leur minibus était rappelé peu avant le passage de la frontière hollandaise et prié de faire demi-tour pour regagner Bruxelles. L'Office des étrangers a déjà fait appel." (30 juillet, 22h54) "Le Monde" : - "Toutefois, cette demande de libération immédiate ne signifie pas qu'Angelica et Ana Cajamarca pourront demeurer en Belgique. En effet, l'Office belge des étrangers compte faire appel de la décision du tribunal car, rappelle-t-il, "l'ordonnance ne change rien à la situation irrégulière" d'Ana et Angelica. Depuis plusieurs jours, la Belgique suit avec émotion le destin de la jeune adolescente. Dimanche, la femme belge du président équatorien, Rafael Correa, avait appelé les autorités à la clémence. M. Correa, de passage à titre privé en Belgique, avait lui-même rendu visite aux deux Equatoriennes le 17 juillet et tenté d'intercéder en leur faveur, mais sans succès. Angelica et sa mère avaient été interpellées lors d'un contrôle de police dans la rue. Selon l'Office des étrangers, elles n'ont jamais déposé de demande d'asile ou de régularisation. Largement couverte par les médias belges, cette affaire a jeté une lumière crue sur l'internement de mineurs, durant des semaines voire des mois, dans des centres fermés, dénoncée depuis des années en Belgique comme contraire à la convention internationale des droits de l'enfant." (31 juillet, 8h25) Agence Belga : - "La police belge a démenti mardi avoir maltraité ou frappé la jeune Équatorienne Angelica Cajamarca et sa mère Ana lors de leur acheminement lundi à l?aéroport d?Amsterdam en vue de leur expulsion vers Quito. L?Équateur a annoncé lundi son intention de protester auprès de la Belgique à la suite des rapports faisant état de brutalités qu?auraient subies Angelica et sa mère, avant qu?elles soient libérées in extremis lundi soir sur ordre d?un tribunal belge. Mise en cause par les deux Équatoriennes et leur avocate, La police dément que les deux Équatoriennes « aient été frappées ou maltraitées d?une quelconque manière par des fonctionnaires de police » lors de leur transfert et réclame « que toutes les déclarations fautives à ce sujet soient rectifiées ». (31 juillet, 11h14) La Ligue des Familles : - "La Ligue s'indigne de l'utilisation d'une enfant parfaitement régularisable - vu les projets de mariage de la mère avec un ressortissant belge par naturalisation - afin d'envoyer un message aux candidats à l'immigration du monde entier tendant à leur faire éviter notre pays.Cette utilisation de l'enfant constitue une atteinte grave à l'application de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant signée par notre pays... Seule cette logique honteuse explique l'acharnement contre une famille recomposée en pleine stabilisation et parfaitement intégrée". (Belga, 30 juillet à 12h) Martine Vandemeulebroucke : - "Au cours de cette législature, le gouvernement a fait sortir les mineurs non accompagnés des centres fermés. Mais les familles restent détenues. Cédant à la pression des députés, le ministre de l'Intérieur, Patrick Dewael, a rendu publique en fin de législature une étude, commanditée par ses services, sur les alternatives à la détention en centre fermé. Celle-ci a posé comme constat préalable le fait que la détention des familles avec enfant était « dans les conditions actuelles inacceptable du point de vue des droits de l'enfant ». Pour des familles de sans-papiers, comme celle d'Angelica, il est proposé la désignation d'un « coach » qui aiderait la famille à introduire une demande de régularisation. Et si celle-ci est refusée, d'aider la famille à organiser son retour. Mais pas en la plaçant dans un centre fermé. La famille devrait se présenter régulièrement aux autorités ou résider à une adresse fixe. Ce n'est qu'en dernière limite, en cas de refus de partir, que la famille serait placée dans un "centre de rapatriement familial." (Revue Sudpresse, 30 juillet à 23h33)
"Enfermés depuis 10 semaines" (au 127 bis)
Affiche contre les violations de la Convention des Droits des Enfants (2005)