P. 201. La parole était aux dignes filles d'Emile Fontaine

Publié le par Jean-Emile Andreux

 

La devise de la République au centre des remerciements d'Adrienne Fontaine et d'Annie Determe

 

La cérémonie du 3 décembre à l'Assemblée nationale s'éloigne dans le temps mais non sans laisser des souvenirs aigus. Ainsi les discours de remerciements prononcés par les deux filles d'Emile Fontaine, elles qui ont permis ici leur retranscription :

 

  Adrienne Fontaine

 

Discours d'Adrienne Fontaine :

- "Nous sommes très honorés, ma famille et moi, de recevoir, au nom de mon père Emile Fontaine, la médaille des Justes pour avoir sauvé, hébergé, muni de faux papiers, plusieurs juifs du camp des Mazures dans les Ardennes.

Nous remercions toutes les personnes qui ont contribué à cette cérémonie, en particulier Yad Vashem, Jean-Emile Andreux historien des Mazures et Mr le Président de l'Assemblée Nationale qui nous reçoit en ces lieux.

Mon père n'a écouté dans cette action que son grand coeur, sa commisération pour des innocents persécutés et voués à la solution finale. Le train dont ils se sont évadés avait en effet pour destination Auschwitz et la mort.

Patriote ardent, chef de la résistance dans les Ardennes, il a fait bénéficier ces rescapés du réseau, des filières créés pour le sauvetage des pilotes alliés abattus par les nazis.

Quelle plus belle récompense pour lui que ce cri du coeur de Yaël Reicher, notre présidente, fille de Harry Reicher :

- "Sans ton papa, je ne serais pas là aujourd'hui" !

Suivons l'exemple qu'il nous a donné. Luttons pour un monde meilleur où l'homme ne sera plus un loup pour l'homme, un monde où chacun pourra vivre en paix sans avoir à justifier de son origine, de sa religion, de ses opinions.

Que soit bannie à jamais la marque d'infamie qu'est l'étoile jaune ! Que disparaissent les murailles, les ghettos, tous les projets de discrimination et de ségrégation comme les tests A.D.N. (appaudissements nourris).

Accueillis ici par notre Assemblée Nationale, j'en appelle à chaque citoyen, chaque état, chaque communauté pour que la devise de notre République : "Liberté, égalité, fraternité" guide la conduite de tous."

 

 

Annie Determe, Adrienne Fontaine, l'Ambassadeur d'Israël

 

 

Discours d'Annie Determe :

 

 Michel Grün, Yaël Reicher, Jean Claude Roos, Annie Determe, Viviane Saül

 

- "Je tiens à remercier toutes les personnes dont l'action a été déterminante pour que cet hommage soit rendu à ma famille, et en particulier le professeur Jean-Emile Andreux qui en a été la cheville ouvrière et sans qui cette reconnaissance comme Justes entre les Nations de mon père, ma mère et ma grand-mère n'aurait pas lieu.

Je n'ai jamais connu mon père Emile Fontaine puisque je n'avais que 6 semaines quand il a été tué. Mais, pour être née à Aubenton et y avoir vécu jusqu'à l'adolescence, j'ai souvent entendu parler de lui , tant par ma mère que par ceux qui l'avaient connu comme résistant et comme syndicaliste agricole.

Chacune des personnes que vous honorez ce soir a fait preuve d'un immense courage car elles savaient toutes qu'elles risquaient leur vie à tout moment. Ainsi, j'imagine sans peine la panique qu'ont dû éprouver ma mère et ma grand-mère lors des descentes de l'armée allemande ou de la gestapo pour trouver les armes ou les personnes cachées dans la ferme. Mais elles ont tenu bon. Leur courage était celui du quotidien, sans coup d'éclat spectaculaire, soutenant grâce à leur force de caractère ceux qui comme mon père étaient en première ligne.

Mon père avait 39 ans quand il et mort le 30 mars 1944. Il était certainement idéaliste mais ce n'était pas un gamin inconscient, recherchant le risque par plaisir. Il avait choisi de combattre mais il connaissait les risques encourus. Aussi, il avait conscience que le courage a ses limites et il disait que s'il était pris, il n'était pas certain de pouvoir résister à la torture. Il ne voulait pas être pris vivant et avait toujours sur lui une arme chargée afin de pouvoir s'échapper d'une façon ou d'une autre.

On peut donc dire que sa mort correspondait à ce qu'il souhaitait mais quel vide il a laissé dans nos vies !

En fin de compte, je pense que mon père, ma mère et ma grand-mère ont parfaitement illustré les valeurs qui constituent la devise de la République :

- La Liberté qui représentait pour eux tout à la fois le refus d'être prisonniers dans leur pays, soumis à un envahisseur étranger et le refus d'obéir à des lois injustes, choisissant de suivre ce que leur dictait leur conscience.

- L'Egalité et la Fraternité qui étaient indissociables, tout être humain dans le malheur devant être secouru sans distinction d'origine, de religion ou de couleur, qu'ils soient juifs ou aviateurs alliés.

Mes parents étaient des gens simples qui n'avaient pas fait d'études très poussées. Toutefois, leurs pères Emile Fontaine et Auguste Pierron avaient été maire de leur village pendant de nombreuses années. Aussi, peut-être que leurs enfants avaient ainsi pris conscience des devoirs que l'on doit à son prochain en dehors de toute recherche de gloire ou de profit.

Pour notre bien à tous, il est essentiel que ce sens civique soit redonné aux jeunes dès l'école primaire afin de contrebalancer les notions d'argent-roi et de frime que notre société de consommation propage si facilement.

Il appartient donc à nos jeunes générations, qui sont représentées ce soir, de faire en sorte que le combat de leurs aînés n'ait pas été vain. Qu'ils transmettent autour d'eux et à leurs propres enfants l'histoire et les valeurs."

 

 

 Annie Determe avec les diplômes de sa mère et de sa grand-mère

 

(Photos : JEA)

 

Publié dans Yad Vashem

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M
Je tenais à vous dire combien j'ai été émue et combien j'avais apprécié la cérémonie organisée le 3 décembre à l'Assemblée Nationale.<br /> Tous ces discours et la chaleur humaine des intervenants nous ont enrichis et c'est pour nous l'occasion de vous remercier d'avoir travaillé avec passion sur le camp de Les Mazures.<br /> Mme Cachard, Maire de Les Mazures.
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T
Nous tenons à vous remercier pour tout ce que vous nous avez fait partager à travers vos interventions enrichissantes et votre invitation à l'Assemblée nationale.<br /> Ce furent des expériences véritablement uniques et une chance pour nous tous.<br /> Terminale littéraire. Lycée St-Remi. Charleville-Mézières.
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P
Toujours aussi émouvant, en effet... merci encore.<br /> Philippe Boulet
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