P. 21. Bilan après une première en Belgique...

Publié le par Jean-Emile Andreux

Les Mazures : derrière un mur de silences...

L'exposition sur le Judenlager des Mazures et ses déportés vient de prendre fin à l'Institut Technique de la Communauté Française Henri Maus à Namur. Elle fera au moins date par la brèche qu'elle élargit concrètement dans le mur des silences en Belgique.

Cet élargissement passa par le vernissage organisé par le Directeur de l'ITCF, Didier Leturcq, en présence de personnalités au premier rang desquelles le Bourgmestre de Namur, le Médiateur de la Région Wallonne et le Directeur de l'ITCF de Dinant... Mais cette inauguration fut également à marquer d'une pierre blanche grâce à la présence de Josef Koganovitsch et de son épouse. Lui s'évada des Mazures avec deux compagnons, Albert Keyzer et Henry Susskind, malheureusement repris par l'occupant et fusillés (le premier à Dinant, le second à Charleroi).

Plus personne en Europe ne peut encore parler des Mazures en tant que déporté sinon Josef Koganovitsch. Et ses paroles portèrent à la fois une peine inguérissable en souvenir de ses camarades disparus mais aussi de l'espoir devant la transmission d'une mémoire si longtemps négligée, transmission aux jeunes élèves dont l'ITCF accueillait l'exposition ouverte à tout public.

Quant à Yaël Reicher, Présidente de l'Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures, son discours, lu par Suzy Collard, ressitua ce camp dans le contexte de la Shoah avec ses spécificités et son caractère abominablement unique. Sans oublier de saluer la figure d'Emile Fontaine, résistant français qui sauva 12 évadés des Mazures avant d'être abattu par la Gestapo de Charleville le 30 mars 1944.

Mais sans soutien des médias, l'exposition eut été occultée hors les murs de l'ITCF Maus. Annoncée chaleureusement en radio par VivaCité (RTBF), elle a fait l'objet d'articles dans la Dernière Heure, le Quotidien de Namur, le Soir et Vers l'Avenir (voir pages du Blog). Autant de contributions précieuses à l'ébranlement d'un mur opaque depuis plus de soixante années.

Il est vrai que les recherches ont débuté en 2002 seulement. Mais très rapidement, des marques d'estime et de soutien ne manquèrent pas en Belgique. Ainsi :

- Le 30 octobre 2002, Yannis Thanassekos, Directeur de la Fondation Auschwitz :

"Nous vous félicitons pour cette excellente initiative qui permettra de rendre à l'Histoire et à la Mémoire l'existence de ce camp. Votre site internet ne manquera certainement pas de susciter d'autres travaux de recherche et permettra peut-être également de recueillir de nouveaux témoignages."

- Le 16 novembre 2002, Maxime Steinberg, historien de la persécution des Juifs de Belgique :

"Jusqu'à ce que ces recherches soient entreprises, le Judenlager des Mazures dans les Ardennes françaises n'avait pas retenu l'attention des historiens les plus avertis. On s'était surtout intéressé aux camps de l'Organisation Todt construisant le Mur de l'Atlantique. On avait même omis d'inscrire le rassemblement des déportés et le départ du convoi vers les Mazures dans la chronologie singulièrement tendue de la déportation des Juifs d'Anvers pendant l'été 42. Le dépouillement systématique des dossiers personnels des déportés au Service des Victimes de la Guerre laisse, à cet égard, espérer des découvertes intéressantes. Il complètera aussi la riche moisson d'informations déjà réunies. Jean-Emile Andreux sera en mesure de présenter une prosopographie collective d'un convoi de Juifs d'Anvers rassemblés pour le travail obligatoire dans les Ardennes françaises qui n'ont pas survécu à leur déportation à Auschwitz."

- Le 8 février 2003, Frédéric Bovesse, Médiateur de la Région wallonne :

"Les Mazures, un petit coin de vallée mosane dans les Ardennes françaises, isolé de tout, ignoré de tous. Le silence de l'oubli s'est mué en cri de la mémoire...Cette quête, cette entreprise de combler les béances de l'histoire a quelque chose d'insensé qui ne peut laisser indifférent. Le temps presse, le temps fait son oeuvre..."

Ces évaluations - suivies de bien d'autres qu'il serait fastidieux de reprendre ici - ont reçu un premier écho aux Fêtes de Wallonie 2005 où, lors du pélerinage, fut prononcé un discours en hommage aux Juifs des Mazures. Puis en janvier 2006 avec un reportage radio d'Odile Leherte sur Transversales. Et enfin en février-mars grâce au Directeur de l'ITCF Maus (l'exposition mais aussi 6 conférences scolaires).

Un dernier mot. La télévision locale, Canal C, a attendu le 9 mars pour enregistrer quelques images sur l'exposition, soit la veille de sa fermeture. A cette occasion, le journaliste expliqua ne pas comprendre comment l'histoire du Judenlager des Mazures et de ses déportés, fut si longtemps "oubliée" en Belgique et restait marginalisée aujourd'hui encore ?

Les explications ne manquent pas (quatre publications en France, pas une en Belgique etc). Mais parfois, une question contient aussi sa propre réponse...(Canal C a finalement programmé une séquence le 14 mars).

L'Exposition telle qu'à son origine, elle fut créée à la Bibliothèque centrale de Charleville-Mézières, à l'initiative de Florence Subissati, assistante de conservation...

Publié dans Exposition

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