P. 58. Le 12 juillet 1906

Publié le par Jean-Emile Andreux

Centième anniversaire de la réhabilitation de Dreyfus

"...Elevez tous la tête et regardez le monde en face. Je ne suis pas coupable... Malgré tout mon désespoir, je n'ai jamais courbé la tête, je ne la courberai pas jusqu'à mon dernier souffle".

Le 12 juillet 1906, l'interminable série d'accusations diffamatoires, de condamnations totalement injustes, d'insultes antisémites à la virulence débordant de haines, de déportation sur une île perdue au Diable, aboutissait enfin à la réhabilitation de Dreyfus. Sans que pour autant les opposants ne baissent leurs armes. Ainsi, en 1908, l'Action française de Maurras placardait-elle des affiches proclamant :

"Seuls les intéressés, les nigauds et les pauvres primaires ignorants pourront se soustraire à cette évidence : LA REPUBLIQUE C'EST LE MAL.

La République est le gouvernement des Juifs, des Juifs traîtres comme Dreyfus, des Juifs voleurs, des Juifs corrupteurs du peuple et persécuteurs de la religion catholique. (...)

La République est le gouvernement des francs-maçons qui n'ont qu'une haine, l'Eglise, qu'un amour : les sinécures et le Trésor public ; fabricants de guerre civile, de guerre religieuse, de guerre sociale, ils nous mènent à une banqueroute matérielle et morale, celle qui ruinera le rentier et l'ouvrier, le commerçant et le paysan.

La République est le gouvernement de ces étrangers plus ou moins naturalisés ou métèques qui, ces jours-ci, souilleront du cadavre de leur Zola le Panthéon désaffecté ; ils accaparent le sol de la France ; ils disputent aux travailleurs de sang français leur juste salaire."

Sans solliciter ce texte, comment ne pas constater qu'il annonce la doctrine de l'antisémitisme officiel de l'Etat français sous Vichy ?

Et si le Panthéon est évoqué, force est de constater qu'en 2006, l'entrée de Dreyfus vient d'en être écartée. Malgré des demandes portées en première ligne par l'historien Vincent Duclert puis par Pascal Clément, Jean-Louis Debré, Jack Lang et Olivier Stirn. Avec une opposition de poids, celle de Roger Badinter (n'accordant à Dreyfus qu'un statut de victime n'ayant pas sa place es qualité au Panthéon). Tandis que Max Gallo allumait un contre-feu en évoquant une autre entrée au Panthéon, celle de Marc Bloch, historien, résistant et juif.

Une cérémonie se déroulera néanmoins dans la cour de l'Ecole militaire. Là où la statue de Dreyfus devait se dresser. Car en 1984, Jack Lang, alors ministre de la Culture, passa commande de cette statue à Tim. Las, Charles Hernu, en charge des armées, s'opposa à l'emplacement prévu. Il fallait ménager les militaires. Et le temps s'écoula. Jusqu'en 1994. quand Jacques Chirac fit élever l'oeuvre de Tim au boulevard Raspail.

 

Sabre brisé, mais honneur rendu : Dreyfus statufié par Tim

 

L'armée n'avait toujours pas vraiment admis ni assimilé l'innocence de Dreyfus en cette même année 1994, centième anniversaire de l'Affaire. Le Service "historique" de l'armée de terre publia alors dans le bulletin du Sirpa, un texte qui en disait long sur son état d'esprit car affirmant que :

« l'innocence du capitaine Dreyfus était la thèse généralement admise par les historiens ».

On croirait lire du Gollnisch. Responsable de cette poussée de fièvre d'un révisionnisme en uniforme, le colonel Gaujac fut limogé par son ministre François Léotard.

En 1998, pour le centenaire du "J'accuse !" de Zola, une plaque fut dévoilée à l'Ecole militaire, mettant fin au port de gants vis-à-vis de l'armée :

- « Hommage à Alfred Dreyfus (1859-1935) »

« Dans cette enceinte, le 5 janvier 1895, le capitaine Dreyfus était dégradé pour un crime de haute trahison qu'il n'avait pas commis. Dans ce lieu, le 21 juillet 1906, après avoir été réintégré dans l'armée et promu au grade supérieur, le chef d'escadron Alfred Dreyfus était fait chevalier de la Légion d'honneur. La vérité est en marche, rien ne l'arrêtera ! ».

Lire :

"Alfred Dreyfus, l'honneur d'un patriote", Vincent Duclert, Fayard, 2006.

"Antisémitisme et catholiques du Nord pendant l'affaire Dreyfus", Danielle Delmaire (membre d'honneur de l'Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures), Presses universitaires de Lille, Villeneuve-d'Ascq, 1991. 

 

 

 

 

 
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